Comment se préparer à accueillir un nouveau-né avec l’approche Montessori ?
L’expérience montre que les parents sont souvent préparés à l’accouchement, parfois à l’allaitement mais pas toujours à s’adapter aux besoins du nouveau-né. Pourtant, ces premiers temps sont fondamentaux pour l’enfant et sa famille. Patricia Spinelli, directrice de l’Institut Supérieur Maria Montessori et formatrice Montessori, nous apporte son expertise.
À la naissance, le nouveau-né change totalement d’environnement. Il passe d’un environnement aquatique, clos, chaud, et plein à un milieu plus vaste, dont la température varie, soumis à l’apesanteur ; il n’est plus nourri en continu. Comment l’aider à appréhender ce nouveau monde avec sérénité ?
Patricia : Le premier milieu du bébé est le corps de sa mère, dont il connait l’odeur, la voix et le rythme cardiaque. Durant une période symbiotique qui dure deux mois après la naissance, c’est le corps de sa mère qui va assurer au jeune enfant une continuité avec la situation qu’il connaissait in utero. Cette proximité corporelle le rassure, favorise l’attachement et lui permet de construire la confiance qu’il aura en son environnement.
Comment les parents peuvent-ils se préparer et répondre à ces besoins ?
P : Les parents peuvent s’y préparer en favorisant ce « continuum », cette proximité avec leur nouveau-né. Un bébé n’est pas encore capable d’assimiler trop d’éléments à la fois ; il faut donc lui distiller une à une les nouvelles informations qui vont lui permettre d’appréhender l’univers qui l’entoure. Après cette période de 2 mois, le nourrisson lève la tête, sourit aux visages humains et commence à s’intéresser au monde extérieur. En observant ses réactions, ses parents peuvent donc commencer à l’y intéresser, toujours par petites touches, en fonction des capacités qu’il démontre et développe à le percevoir.
Les besoins physiologiques du bébé sont connus ; quels sont ses besoins psychiques ?
P : Dans les années 1980, les travaux du Dr Albert Grenier sur la motricité libérée et du Dr Jean-Marie Delassus, médecin fondateur de la maternologie, ont révélé que le fœtus, capable de sucer son pouce in utero, perdait ce geste coordonné à la naissance pour le retrouver vers l’âge de 2 mois. La naissance occasionne chez le tout-petit une perte de tonus musculaire. Ces médecins ont découvert que l’enfant va le retrouver grâce à la relation. Dans notre culture occidentale, elle est assurée par le regard, le langage, la qualité des soins. Pour en être convaincu, il n’y a qu’à observer sur une table à langer le frétillement, l’attention que porte le bébé au regard de l’adulte qui s’en occupe, aux mots qu’il lui dit, aux gestes prévenants qu’il déploie à son encontre.
Dans certaines sociétés traditionnelles, une mère reste à la maison pendant une quarantaine de jours avec son bébé avant de le présenter à la communauté. Dans notre culture, le bébé passe bien souvent de bras en bras dès ses premiers jours ! Il reçoit donc une multitude de stimuli sensoriels, dans les différentes manières d’être porté, les mains ou le lit froid, loin de l’enveloppe maternelle… Comment lui permettre de trouver un équilibre ?
P : Il ne s’agit pas d’aller à l’encontre de sa culture. Dans l’approche Montessori, le topponcino (cf. Zazoom) a été inventé pour offrir au bébé une protection, pour lui permettre de retrouver sa propre odeur, sa propre chaleur en toutes circonstances. Il offre un rempart à l’instabilité émotionnelle que peuvent engendrer un lieu inconnu, des mains froides… Ce matelas fin, en coton molletonné de forme elliptique, est associé du bébé où qu’il soit : dans les bras pendant l’allaitement, sur son tapis de jeu, sur la table à langer ou dans son lit. Sa fine épaisseur permet à l’enfant de ressentir ses appuis sous son dos, sa position de base, sur une surface dure. Le topponcino est pour lui une deuxième enveloppe, après ses vêtements, qui favorise sa manipulation par les adultes, toujours attentifs au soutien de sa tête. Quand bébé est endormi, il est facile le déposer à terre dans son topponcino sans le réveiller !
Face à la multitude de matériels de puériculture proposés, comment préparer la maison et la chambre de l’enfant pour répondre à ses besoins d’orientation, de mouvement, de sécurité et de confiance ?
PS : L’environnement du petit enfant doit être simple, ordonné et lui offrir un « choix limité ». Dans l’approche Montessori, jusqu’à deux mois, le bébé dort dans un large couffin en osier, appelé la cestina. Quand ce couchage devient trop petit, l’enfant est équipé d’un lit bas dont il peut entrer et sortir à sa convenance, pour favoriser son développement moteur et lui permettre de répondre à ses propres besoins physiologiques de sommeil (sans dépendre du bon vouloir de l’adulte pour le coucher).
Ne mettez l’enfant dans un transat qui si vous ressentez qu’il a vraiment besoin d’être en sécurité ; limitez le temps qu’il y passe à 5-10 minutes. Pour favoriser son développement physique, qui va de pair avec celui de sa pensée, préservez sa liberté motrice au sol, sur un tapis uni. Faites évoluer sa chambre au fur et à mesure qu’il gagne en autonomie. Lorsque le petit enfant grandit, organisez-la pour limiter ses choix, par exemple entre deux tenues dans son armoire, de sorte qu’il apprenne à exercer sa volonté dans un cadre défini.
Maria Montessori parle « d’aides au développement et d’activités à but défini » plutôt que de jouets. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Toute activité Montessori a toujours un but défini car l’enfant doit trouver à l’extérieur ce qui lui permet d’ordonner sa pensée. En répétant une séquence définie d’activités, comportant un début, un milieu et une fin, l’enfant développe sa concentration, déterminante dans tous les apprentissages. Ainsi, mieux vaut ne pas encourager l’enfant à jouer à la dinette, car cette activité n’a ni but ni fin. Incitez-le plutôt à vous imiter en faisant pour de vrai : couper une banane, presser un agrume, tartiner du pain… dans le but utile de nourrir ! Vous le traitez avec égard et lui permettez de développer la confiance qu’il a en lui, l’estime qu’il se porte. Quelle fierté peut éprouver un petit enfant de 18 mois de faire du pain !
Patricia Spinelli est co-auteur de « Un autre regard sur l’enfant : de la naissance à six ans », Desclée de Brouwer, Paris, 2010 et des « Cahiers d’activités Montessori pour les nuls : 0-3 ans, 3-6 ans et 6-12 ans. », 2017.