Les femmes ne peuvent pas conduire une moto
C’est le printemps, les jours rallongent, le soleil est de plus en plus doux.
Je suis fraîchement célibataire. Avec Tom, nous sommes séparés d’un commun accord dans la mesure où il a décidé de partir avec ma meilleure amie. Elle habite dans le même immeuble que nous. Ça a été plus facile pour le déménagement des affaires de Tom.
Et puis après tout, avec Delphine, nous ne nous connaissions pas si bien. La preuve, 23 ans d’amitié, et je ne pensais pas qu’elle serait capable de me prendre mon mec.
Bref, après six mois d’une jolie dépression, je décide de me reprendre en main. Je n’ai plus envie de croiser le joli couple « Delph et Tom » dans l’immeuble. À chaque fois que je les croise j’ai des envies de meurtre. Mais au lieu de ça, quand Tom m’a parlé de son problème de voiture et qu’il m’a demandé s’il pouvait emprunter la mienne, j’ai simplement dit oui.
Je déménage, je ne veux plus les voir. Qu’ils soient heureux dans ma voiture. Moi j’en ai marre de cette dépression. De toute façon je n’ai plus les moyens de me payer un pot d’un kilo de Nutella tous les jours. Je fais le tour des agences et je trouve un joli 3 pièces avec une grande terrasse. J’emménage 2 mois plus tard, pile pour la fête de la musique.
Je trouve mes marques doucement dans cette nouvelle vie. Je me remets à faire de la photo. C’est ma passion, mais je n’avais plus le gout à rien dernièrement. Je sors de temps en temps le soir, et me fais quelques nouvelles amies. Mais pas encore d’homme, je ne suis pas prête.
En septembre, nouveau coup dur. Je me fais virer de l’entreprise où je bosse depuis 7 ans. Pas grave, de toute façon en ce moment j’ai besoin de changements. Et en moins de 3 mois je retrouve du boulot. Je deviens assistante RH dans une petite usine de savons. Ça sent bon partout dans l’entreprise !
Je me remets au sport. Je m’inscris dans une salle en me disant que ça coûte moins cher que le Nutella et les bombes de chantilly. Très vite 4 kilos s’envolent. Il faudra encore 6 mois pour qu’une autre dizaine en fasse de même.
Un nouveau printemps pointe le bout de son nez. Je me sens mieux dans ma tête, bien dans ce nouveau boulot, et je rentre à nouveau dans mes jeans 38. Je recommence à aimer me regarder dans la glace. J’essaie même le Yoga avec une collègue de travail. C’est hyper intense et douloureux.
Côté hommes, il y en a qui s’approchent, mais j’ai encore du mal à me laisser aller. Il y a bien ce Julien avec qui m’a invitée deux soirs au resto. Il est drôle, avenant, il me comprend. Un soir nous passerons même une agréable nuit ensemble. Mais je ne suis pas encore prête pour du sérieux. Comme on dit : « chat échaudé craint l’eau froide ».
Je n’ai toujours pas de voiture. J’ai laissé la mienne à Tom et Delph. Pas envie de la récupérer, ils ont dû faire des cochonneries dedans.
Une moto
J’ai besoin d’air, besoin de liberté. Ce ne sont pas des mensonges, c’est la réalité. Avec ce printemps tout doux, l’idée de conduire une moto me traverse l’esprit. Je m’imagine conduisant un engin à deux roues le soir en sortant du boulot pour aller boire un verre en terrasse avec les copines. N’importe quoi, la moto ce n’est pas un truc de filles me dis-je. Et pourquoi pas ?
Le lendemain, je m’arrête à l’auto-école à côté de mon immeuble. Je demande des renseignements sur le permis moto. On me donne toutes les informations pour accéder au permis A2. Je me sens rebelle d’être une femme qui va piloter une moto. Jusqu’au moment où j’apprends que le moniteur s’appelle Charlotte. En plus, elle a le même âge que moi. C’est décidé, je craque le PEL et je m’inscris.
Je commence par le code que j’obtiens très vite. Dans le même temps, je parle de ma démarche autour de moi. Mes parents ne comprennent pas pourquoi je fais ça. Pourtant mon petit frère a une moto et pour tout le monde ça semble normal. Au boulot c’est la même chose. Mes collègues me disent que je suis folle. Ce n’est pas un truc de fille. Et puis avec mes 1m65 je ne vais pas toucher par terre. Qu’à cela ne tienne, je n’écoute personne. D’ailleurs, mes parents et mes amis m’avaient dit de ne pas me mettre avec Tom il y a quelques années…
Le plateau
Première fois que je vais enfourcher une moto. Rendez-vous un samedi matin de Mai sur un grand parking. Pour obtenir le permis moto, il faut le « code », le « plateau » et la « circulation ».
Le plateau consiste à maîtriser la moto sur un parcours prédéfini qu’il faut apprendre par cœur.
Mais pour débuter, Charlotte m’enseigne les rudiments de la conduite d’une moto. D’abord en montant derrière elle, puis je commence à rouler doucement seule sur ce parking. En première pour le moment, j’ai peur de passer les vitesses. Je fais une petite chute en faisant demi-tour. La moto c’est vraiment plus lourd qu’un vélo. Et de toute façon, je suis nulle sur un vélo aussi. Rien de grave, la moto a des protections. Je m’y remets.
Au bout des quelques samedis matin, je commence à maîtriser les bases de la moto. Embrayage, vitesses, accélération, freins, et maintenant j’arrive à faire demi-tour sans chuter.
Fin juin, je passe l’épreuve du plateau devant un examinateur. Je l’obtiens du premier coup. Reste plus que l’épreuve de circulation.
La circulation
Avec Charlotte, nous allons rouler un peu partout. En ville, en campagne, sur des petites routes, des voies rapides. J’adore Charlotte, elle est douce et patiente. J’aime bien entendre sa voix dans les haut-parleurs du casque. Elle me donne plein de bons conseils.
Nous devenons amies. Un soir, nous allons boire un verre en terrasse. Elle me ramène chez moi à moto. J’ai hâte d’avoir la mienne.
J’apprécie beaucoup Charlotte. Je lui propose de monter boire un verre. Elle accepte. Je me réveille le lendemain matin. Charlotte est à côté de moi dans mon lit. Avec elle, j’aurais appris à chevaucher autre chose qu’une moto.
En juillet, je passe l’épreuve de la circulation. Charlotte et un examinateur sont dans une voiture derrière moi. Je conduis en suivant leurs instructions. Il fait beau et chaud, je me sens bien. J’en oublie presque qu’il y a l’examinateur derrière moi. Le lendemain, je reçois un mail m’informant que j’ai obtenu mon permis !
Ma moto
Je commence à faire les annonces sur Leboncoin. Je ne sais pas quel genre de moto je veux. Je trouve l’ER6N jolie. En plus, il paraît qu’elle n’est pas trop haute, ce qui serait idéal pour mon petit gabarit. Je concentre mes recherches sur ce modèle qui se trouve facilement à des prix compétitifs.
Rendez-vous est pris le 14 juillet avec « Hector » qui vend la sienne. Elle est Jaune et noire et sort de révision. Je n’ose pas la conduire. Hector me propose de monter derrière. Nous roulons 15 minutes sur une belle route de montagne. Je me tiens à Hector car la moto accélère assez fort.
La sensation de liberté est merveilleuse. De retour chez Hector, nous discutons autour de la moto. Je la veux, mais j’ai un peu peur. Je négocie un peu. Hector cède pour 3 000 € au lieu des 3 200 € qu’il en voulait initialement.
Voilà, je suis propriétaire d’une moto. Dans ma tête, je me dis : « Félicitations Marinette, tu es une femme motarde maintenant ».
Une femme chez les motards
Hector est adorable. Le week-end prochain, il va se balader à moto avec un groupe d’amis. Il me propose de me joindre à eux. Ils me donneront des conseils pour apprendre à être un bon pilote. J’accepte.
Le dimanche venu, je les retrouve sur le parking d’une boulangerie. Hector est là avec une douzaine d’amis. Il y a deux autres filles, ce qui me rassure. Nous partons écumer l’asphalte. J’adore. Même si j’ai encore un peu peur, et que je me fais quelques petites frayeurs, toutes les sensations sont extraordinaires.
Et dire que des gens pensent que la moto ce n’est pas pour les filles !
Le soir, Hector refuse de me laisser rentrer chez moi. Il veut aller boire un verre. J’ai des courbatures un peu partout, mais j’accepte. J’avoue qu’il est beau mec et que je n’ai pas trop envie de le laisser partir non plus.
La moto m’a redonné confiance en moi. Je peux réussir ce que j’entreprends. Et je fais partie de la communauté des motards. Hector et moi ne nous lâchons plus. Nous formons rapidement un beau couple de motards.
Je le présente à mes parents. Contrairement à Tom, ils ne me mettent pas en garde contre Hector. Ils semblent même l’apprécier.
Au bout de quelques mois, je suis conviée à un repas dans sa famille. Hector me dit qu’ils sont tous motards. Son père, sa mère, son frère et sa sœur font de la moto.
Bien entendu, c’est à motos que nous nous rendons chez ses parents. Il me présente à toute sa famille. Sa mère est rigolote, son père est un géant qui aime les Indians (attention à ne pas prononcer le mot Harley en sa présence). Son frère Gaétan lui ressemble comme deux gouttes d’eau.
Puis il me présente à sa sœur Charlotte… elle est monitrice de moto. « Enchantée Charlotte, moi c’est Marie, ta nouvelle belle-sœur ».